Safer internet day : quel rôle pour les établissements scolaires dans la régulation de l'usage des réseaux sociaux chez les adolescents ?

Le 11 février 2025 marque le début de la 22e édition du Safer internet day. Alors que les écrans et les réseaux sociaux font partie intégrante du quotidien des enfants et adolescents, le milieu scolaire peine à en réguler l'usage et à transmettre une véritable culture numérique responsable. Ni l'enseignement des médias et de l'information (EMI), ni la certification PIX ne semblent avoir un impact suffisant sur les pratiques des élèves. Sensibiliser les familles demeure également un défi. Face aux risques liés à l'exploitation de leurs données personnelles, les adolescents préfèrent souvent le plaisir immédiat procuré par les likes et les notifications aux mesures de prudence.

Dans ce contexte, comment les personnels éducatifs peuvent-ils agir ? Doivent-ils chercher à restreindre l'accès aux smartphones, proposer des alternatives de socialisation attractives, ou intégrer les réseaux sociaux comme outils pédagogiques ? Cette série d'articles explorera ces enjeux, en débutant par une analyse des pratiques et perceptions actuelles.

Une hyper-connexion précoce

Selon la Cnil, l'âge moyen d'inscription sur un réseau social est de 8 ans et demi. D'après Ipsos, le premier smartphone est acquis en moyenne à 9 ans et 8 mois. Ces chiffres témoignent de l'omniprésence du numérique dans la vie des jeunes et de la difficulté à appliquer la notion de majorité numérique, définie par la loi de juillet 2023.

Pourtant, la "Commission écrans" a rappelé en avril 2024 que la notion d'addiction aux écrans n'est pas reconnue scientifiquement. Les réseaux sociaux n'ont un impact avéré sur la santé mentale que chez les jeunes déjà vulnérables (anxiété, dépression).

Des effets visibles dans les établissements scolaires

Le ministère de l'Éducation nationale affirme que "l'école doit jouer un rôle déterminant dans l'usage raisonné des écrans et l'appropriation d'une culture numérique responsable". Mais sur le terrain, les personnels scolaires constatent les difficultés liées à l'omniprésence du smartphone.

Cyrille Savary, principal du collège de Latillé (académie de Poitiers), témoigne : "Pour la première fois, j'ai dû faire intervenir une addictologue dans l'établissement, et nous avons même convoqué un conseil de discipline pour une élève de 6e ayant filmé et diffusé des images prises dans les vestiaires". Caroline Briot, référente AED et CPE, souligne l'impact du tout-écran sur le climat scolaire : "Les conflits personnels poursuivent leur cours sur les réseaux et finissent par perturber la vie de l'établissement".

Vers une éducation numérique plus adaptée

Plutôt que d'opter pour une interdiction stricte des smartphones, certains enseignants préconisent la mise en place d'un "code de bonne conduite" du numérique. "Interdire sans expliquer n'est pas la solution. Il vaut mieux apprendre aux élèves à bien utiliser leur téléphone, comme on leur apprend le code de la route", propose Sylvie Perron du Sgen-CFDT.

Cependant, l'enseignement du numérique reste souvent déconnecté des usages réels des adolescents. Les cours d'EMI et la certification PIX sont dispensés sur des ordinateurs fixes, alors que la plupart des foyers n'en possèdent plus. "Les outils sont désuets et décalés par rapport à la réalité des usages des jeunes", déplore Perron.

Des élèves peu sensibles aux risques liés à leurs données

Malgré des tentatives de sensibilisation, la prise de conscience reste faible. Une expérience menée par le laboratoire Techné à Poitiers a montré que les lycéens, bien qu'informés des risques de fuite de leurs données personnelles, n'ont pas changé leurs comportements. "La connaissance du risque ne suffit pas face au plaisir d'avoir un compte TikTok", analyse Jean-François Cerisier, directeur du laboratoire.

Proposer des alternatives attractives

L'un des leviers pour réduire l'usage excessif des écrans est de proposer des activités alternatives engageantes. Cyrille Savary a mis en place une "pause numérique" dans son collège, avec la création d'un club jardin, l'animation du foyer avec des jeux de société et l'installation d'un échiquier géant. Une expérimentation similaire est menée dans l'académie de Dijon avec un réseau d'élèves ambassadeurs du jeu.

Associer les familles et questionner les pratiques des adultes

Les enseignants insistent sur la nécessité d'impliquer les parents, mais cela reste complexe. "Ceux qui assistent aux réunions d'information sont déjà sensibilisés. Ceux qui auraient le plus besoin d'être présents ne viennent pas", regrette Christine Macé (Snes-FSU).

Par ailleurs, la posture des adultes est également questionnée. "Nous exigeons des adolescents un usage modéré des écrans, mais nous sommes nous-mêmes hyperconnectés", souligne Nathalie Sonnac, présidente du conseil d'orientation du Clemi. Caroline Briot ajoute : "Quand les élèves nous voient sur nos téléphones, ils ne savent pas si c'est pour le travail ou pour Facebook".

Ainsi, réguler l'usage des réseaux sociaux chez les adolescents passe par une approche globale : éducation adaptée, alternatives attractives et responsabilisation des adultes.

SOURCE : AEF INFO