Santé mentale : cinq pistes pour un système de soins plus efficace

Les membres du Club Santé ont identifié cinq leviers pour rendre le système de soins plus performant face à la hausse des besoins : une meilleure coordination, une formation renforcée, un usage élargi du numérique, un soutien éducatif accru et l’idée d’un dépistage psychologique systématique.
Face aux besoins croissants, comment rendre le système de soins plus efficient ? C’est la question centrale des échanges menés au sein du Club Santé, qui ont permis de dégager cinq axes majeurs d’action.

Renforcer la coordination

Amanda Hutchings, représentante de l’Hospitalisation à Domicile (HAD), a alerté sur les difficultés rencontrées à domicile : « Il manque une continuité des soins, ce qui complique le maintien à domicile des patients atteints de troubles psychiques complexes. »
Pour elle, renforcer cette continuité est « une piste essentielle pour stabiliser les parcours et améliorer la qualité de l’accompagnement ».

Florian Coromines a rappelé l’existence des Équipes de soins spécialisés (ESS), regroupant des médecins spécialistes en appui des praticiens de premier recours. « Encore trop peu mobilisées, ces équipes pourraient grandement fluidifier le parcours de soin des patients. »

De son côté, Romain Alexandre, directeur départemental de l’ARS, a souligné le rôle central de la coordination publique locale : « Il existe plus d’une quinzaine de conseils locaux de santé mentale (CLSM) au niveau départemental. Ces instances rassemblent psychiatres, acteurs du logement, de l’éducation nationale et bien d’autres. Elles permettent de traiter concrètement des situations individuelles, où la puissance publique est attendue en partenariat avec les collectivités locales. »

Repenser la formation

La France compte environ 15 000 psychiatres, un effectif jugé insuffisant au regard des besoins, notamment dans les territoires sous-dotés. Ouvrir davantage de postes ne suffira pas si la spécialité reste peu attractive. « Cette année encore, 15 % des postes d’internes en psychiatrie n’ont pas été pourvus », regrette Florian Coromines. Il préconise de mieux valoriser la discipline dès les études médicales pour susciter des vocations.

Les professions paramédicales doivent également être impliquées. Sandrine Buston, directrice de formation à la Croix-Rouge Compétence PACA & Corse, rappelle que des stages obligatoires en psychiatrie seront bientôt intégrés au cursus infirmier, afin de renforcer la capacité des soignants à repérer et signaler les troubles psychiques.

Pour David Darmon, directeur du département d’enseignement et de recherche en médecine générale à l’université Côte d’Azur, une partie de la solution réside dans l’allongement de la formation : « Les futurs généralistes seront encouragés à effectuer des semestres en psychiatrie. Ce n’était pas une priorité auparavant, mais aujourd’hui, c’est devenu essentiel. »

Exploiter les outils numériques

Selon Florian Coromines, il faut « non seulement augmenter les moyens, mais surtout mieux utiliser ceux déjà disponibles ». Il cite la téléexpertise comme levier encore sous-exploité : « Elle permet à un psychiatre de donner un avis à distance, en apportant un appui précieux au médecin généraliste dans des situations complexes. »
Pour lui, l’enjeu réside aussi dans une meilleure coordination entre acteurs du soin et dans un renforcement du lien entre le sanitaire et le médico-social.

Jean-Didier Eberhardt évoque, quant à lui, les potentialités des outils numériques : « Les dispositifs digitaux ne remplacent pas l’évaluation clinique, mais la complètent. L’intelligence artificielle pourrait, par exemple, analyser l’historique médicamenteux d’un patient et signaler des risques d’effets secondaires. Le vrai défi, désormais, est de réussir à intégrer concrètement ces outils dans la pratique. »

Miser sur le soutien éducatif

Pour Déborah Halimi, chercheur associée et responsable de programmes de formation à l’Edhec, la santé mentale des étudiants doit être soutenue de manière accessible et continue.
Elle décrit le dispositif mis en place par l’école : « Nous avons instauré une plateforme téléphonique disponible 24 heures sur 24 et dans toutes les langues, afin que chaque étudiant puisse trouver une écoute dès qu’il en ressent le besoin. »
Ce service est complété par une présence physique : « Des psychologues interviennent deux fois par mois sur chacun de nos campus, pour créer des espaces d’échange avant que la détresse ne s’installe. »

Vers un dépistage psychologique généralisé ?

Michèle Battista avance une idée audacieuse : « Pourquoi ne pas imaginer, sur le modèle des dépistages du cancer ou des bilans dentaires, des consultations gratuites et régulières chez le psychologue ou le psychiatre aux âges fragiles de la vie – grossesse, adolescence, entrée à l’université ? »
Ce qu’elle surnomme un “frottis du moral” permettrait de créer une demande ciblée, réduire les inégalités d’accès aux soins et surtout anticiper les décompensations.
Une approche préventive qui, selon plusieurs membres du Club Santé, pourrait transformer durablement la prise en charge de la santé mentale en France.
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SOURCE : nicematin.com