Santé mentale : comment aider un jeune qui va mal ?

Une situation préoccupante depuis la crise du Covid

Depuis la pandémie de Covid, les signaux alarmants sur la santé mentale des adolescents et jeunes adultes se multiplient. Si consulter un spécialiste devient nécessaire dans certains cas, les psychiatres, interrogés par La Croix à l'occasion de la journée mondiale de la santé mentale, évoquent des pistes accessibles à tous.

Les sondages et baromètres dressent un tableau sombre de cette génération : tristesse, anxiété, découragement. Ludovic Gicquel, responsable du pôle de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au centre hospitalier Laborit de Poitiers, remarque : « Nous avons affaire à des adolescents graves, qui ont perdu leur insouciance. »

Les causes sont multiples : effets des écrans, réseaux sociaux, dureté de l’actualité (guerres, réchauffement climatique, violences médiatiques). Tous s’accordent sur une dégradation notable depuis 2020, sans que la seule pandémie n’explique l’ampleur du phénomène. « L’erreur a été d’attribuer trop de responsabilités au Covid, mais les chiffres restent élevés même après la crise sanitaire », déclare Ludovic Gicquel, qui voit dans cette anxiété une réponse à l'inquiétude générale de la société.

Un intérêt grandissant pour la psychologie

« Ce ne sont pas les jeunes qui sont plus inquiets qu’avant, c’est tout le monde », affirme Xavier Pommereau, psychiatre à Talence, en Nouvelle-Aquitaine. Cependant, les jeunes, encore en développement, sont plus sensibles et vulnérables. Faut-il pour autant parler d’épidémie psychiatrique ? Certains marqueurs, comme l'augmentation des tentatives de suicide, ne peuvent être ignorés, mais il est important de ne pas dramatiser des états passagers, explique David Gourion, psychiatre à Paris. L’adolescence est une période de questionnement où les coups de blues sont fréquents.

Pour Stéphane Clerget, pédopsychiatre, la hausse des consultations n'indique pas nécessairement une aggravation du mal-être, mais plutôt un intérêt accru pour la psychologie. « Aujourd’hui, les jeunes savent qu’une écoute est possible et ils la recherchent davantage », dit-il.

Les défis de la psychiatrie et l’importance de la prévention

Les parents, souvent démunis face à la souffrance de leurs enfants, se sentent parfois responsables. Xavier Pommereau insiste : « Responsables, oui, mais pas coupables. » Il souligne l'importance d'un climat familial sain. En cas de difficulté, consulter un psychologue pour quelques séances peut avoir un effet préventif.

Toutefois, les structures spécialisées, comme les centres médico-psychologiques, sont souvent saturées. Selon David Gourion, l'enjeu majeur réside dans la prévention, un rôle qui incombe surtout à l’entourage. « Parents, grands-parents, enseignants sont en première ligne pour détecter et prévenir les problèmes de santé mentale chez les jeunes. »

Trouver un équilibre face aux écrans

Pour Ludovic Gicquel, l'usage excessif des écrans est un vrai problème. Il rappelle l'importance de l'équilibre entre stimulation mentale et physique. « Un adolescent qui passe six heures sur un écran est surstimulé mentalement mais sous-stimulé physiquement. Or, les deux doivent évoluer ensemble », prévient-il. Mettre des limites à l’usage des écrans est essentiel.

Réhabiliter la parole et l’échange

La consultation médicale ou la prise de médicaments ne doivent pas toujours être les premières options. La hausse des prescriptions de psychotropes (antidépresseurs, anxiolytiques) inquiète certains professionnels. Stéphane Clerget regrette que « les problèmes psychologiques ne soient pas assez traités par la parole et l’échange ».

Les psychiatres insistent sur la nécessité de réhabiliter le dialogue, un message optimiste qu'ils partagent. Paradoxalement, les réseaux sociaux comme TikTok peuvent aider à déstigmatiser les problèmes de santé mentale. « Des artistes comme Stromae ou Pomme montrent que l'on peut être vulnérable tout en étant admiré. En trois minutes, ils sauvent plus de vies que nous en une année », conclut Ludovic Gicquel.

SOURCE : LA CROIX