January 2025

Savoir poser des questions : une compétence essentielle pour intégrer l’IA à l’école

Près de 400 cadres, inspecteurs et personnels de direction de Nouvelle-Aquitaine ont échangé avec des chercheurs, le 22 janvier 2025 à Bordeaux, sur l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les apprentissages. Le constat est clair : pour réussir cette transition, l’éducation doit renforcer les compétences en métacognition, clarifier les usages pédagogiques souhaitables et développer des scénarios adaptés. Les enseignants ont besoin de ressources accessibles, de formations courtes et d’un cadre sécurisé, idéalement dans les ENT.
Avec un programme dense comprenant quatre conférences, quatre tables rondes et une vingtaine d’intervenants, cette journée de formation, organisée au lycée Gustave-Eiffel, a permis de dégager un consensus : savoir poser les bonnes questions est une compétence clé pour interagir efficacement avec l’IA.

Un cadre sur l’usage de l’IA en éducation attendu en février

Dès la première intervention, Colin de La Higuera, professeur d’informatique à l’université de Nantes, a souligné un problème majeur : l’école n’enseigne pas à poser des questions pertinentes. Les barrières culturelles et sociales en classe, comme la peur du jugement, freinent cette compétence. Camille Capelle, maître de conférences en sciences de l’information, a également relevé les faibles scores des élèves sur les compétences liées aux données, notamment sur PIX.
Cette journée s’inscrit dans une série de webinaires sur l’IA et l’éducation, initiée début janvier et prévue sur toute l’année. Elle répond à une demande de la rectrice Anne Bisagni-Faure et a réuni 200 participants en présentiel, autant en distanciel, autour de quatre thématiques centrales : ressources pour enseignants, enjeux sociétaux, compétences numériques et formation. Un cadre national d’usage de l’IA sera dévoilé en amont du sommet international sur l’IA des 10 et 11 février à Paris.

Lire, comprendre, questionner et analyser : les fondamentaux à développer

Clarisse Gautier, inspectrice académique, a résumé les priorités : développer la métacognition pour lire, analyser et interroger les données fournies par l’IA. Ces compétences critiques permettent aux élèves de vérifier et trier les informations. Aujourd’hui, beaucoup se contentent d’un simple copier-coller des réponses d’outils comme ChatGPT, sans recul.
Les recherches menées par Pierre-Yves Oudeyer, directeur au centre Inria de Bordeaux, montrent que la majorité des collégiens ne savent pas évaluer ou reformuler une question pertinente pour une IA. Pourtant, pour interagir efficacement avec ces outils, il est crucial d’apprendre à fournir des informations précises et contextualisées.

Ne pas répéter les erreurs du passé

Introduire l’IA dans l’éducation nécessite une réflexion préalable sur ses objectifs et usages, a rappelé Camille Capelle. Les expérimentations actuelles montrent qu’une approche stratégique et encadrée est essentielle. Des ressources existent déjà, comme la plateforme M@gister ou la communauté Creia, mais elles sont peu connues.
Pour former les enseignants, Erwan Paitel, inspecteur général, recommande des supports accessibles et pratiques. Les Inspé commencent à intégrer l’IA dans leurs réflexions, mais davantage de moyens seront nécessaires pour développer des formations basées sur la pratique.

Former les enseignants et scénariser les usages

Les enseignants doivent être préparés à utiliser l’IA en classe, non seulement avec un "vernis technique" mais aussi des connaissances en sciences humaines pour aborder les biais et enjeux éthiques. Selon Colin de La Higuera, l’IA ne doit pas être perçue comme une menace mais comme un outil pédagogique à intégrer dans un cadre bien défini.
Blandine Masselin, ingénieure pédagogique, insiste sur l’importance de scénariser les usages de l’IA pour éviter une utilisation improvisée. Des fiches pratiques et des gabarits pédagogiques seront prochainement proposés pour accompagner les enseignants.

Garantir un cadre sécurisé et durable

Pour éviter un usage anarchique de l’IA, il est crucial de disposer d’un environnement numérique sécurisé, comme les ENT. Cependant, tous les établissements ne disposent pas de ces infrastructures, en particulier certains collèges. Les contraintes financières des collectivités territoriales compliquent la généralisation des outils numériques.
Enfin, Erwan Paitel plaide pour une approche mesurée : l’IA doit compléter les pratiques éducatives sans remplacer l’humain. Il appelle à réinterroger le rôle de la classe pour favoriser les interactions et limiter l’isolement causé par une dépendance excessive aux écrans.

Réinventer l’évaluation grâce à l’IA

Face à l’utilisation croissante de ChatGPT, Denis Alarmagot, directeur de l’Inspé de Poitiers, estime nécessaire de revoir les modes d’évaluation en valorisant davantage le raisonnement et les processus d’apprentissage.
L’IA peut également aider à observer les cheminements des élèves, selon Franck Amadieu, professeur de psychologie. Pour Pierre Lacueille, directeur de l’EAFC de Bordeaux, l’IA doit être exploitée pour définir des critères d’évaluation plus précis, au-delà des simples résultats chiffrés.