Blog
ÉDUCATION
7
October 2024

Smartphones au collège : de quoi la « pause numérique » est-elle le nom ?

La « commission d’experts sur l’exposition des enfants aux écrans », annoncée lors de la conférence de presse du président de la République le 16 janvier 2024, a publié ses conclusions le 30 avril 2024. Le rapport final, intitulé Enfants et écrans. À la recherche du temps perdu, avait pour objectif de fournir des analyses et des recommandations pour encadrer le bon usage des écrans pour les enfants, tant à la maison qu’à l’école, en soulignant que cet enjeu concerne l’avenir de nos sociétés et de nos démocraties.

Cependant, cette grande ambition semble aujourd’hui se résumer à la mise en place d’une « pause numérique » au collège, annoncée par l’ex-ministre de l’Éducation nationale, Nicole Belloubet, lors de la rentrée 2024. Cette mesure, qui impose la rétention des smartphones à l’entrée des établissements, fait débat. Expérimentée dans 199 collèges dès la rentrée 2024, elle devrait être généralisée en 2025.

Des risques spécifiques au smartphone ?

Très équipés (96 % des 12-17 ans en 2023 selon le baromètre du numérique du CREDOC publié en mai 2024) et enclins à la prise de risques, les adolescents seraient particulièrement exposés à une longue liste de dangers numériques. Après avoir consulté environ 200 experts, la commission en dresse un tableau complet.

Elle met en avant des dangers intrinsèques à certaines pratiques, comme le cyberharcèlement, l’exposition à la pornographie, la banalisation de la violence, ainsi que les conséquences liées à un usage excessif des écrans – dette de sommeil, moindre temps consacré aux études, diminution de l’activité physique…

Cependant, il est important de noter que ces risques ne sont pas spécifiquement liés aux « écrans » eux-mêmes, mais aux activités rendues possibles par les smartphones en raison de leur interactivité et mobilité.

Malgré le titre du rapport et de la saisine présidentielle, l’idée que les dangers potentiels de l’utilisation intensive des smartphones se résument à une « addiction aux écrans » a été en grande partie écartée.

Quel intérêt pédagogique pour le smartphone ?

Pourtant, un aspect des pratiques numériques des jeunes semble négligé dans ce rapport. D'une part, des controverses existent quant à la dangerosité de certains usages, notamment en ce qui concerne les réseaux sociaux. D'autre part, de nombreuses activités numériques permettant de s’informer et de développer la créativité ne sont pas suffisamment prises en compte.

Enfin, un grand absent du rapport est la dimension pédagogique de l’utilisation des smartphones par les collégiens, que ce soit à la maison ou à l’école. Rien n’est dit sur leur potentiel pour les apprentissages et sur la manière de les encadrer au niveau institutionnel.

La mise en place de cette « pause numérique » vient en complément de la loi du 3 août 2018, qui interdit l’utilisation des téléphones mobiles dans les écoles maternelles, élémentaires et collèges, sauf exception pour les usages pédagogiques ou lorsqu’autorisé par le règlement intérieur.

Cette loi a été critiquée pour sa logique d’interdiction avec dérogations, mais elle laissait aux établissements la possibilité d’utiliser les smartphones à des fins pédagogiques, contrairement à la « pause numérique » qui ne permettra pas de les intégrer aux activités scolaires.

Le BYOD (« Bring Your Own Device ») offre pourtant des avantages intéressants : ces appareils sont disponibles en permanence, rapides, connectés, et les élèves en ont une certaine maîtrise. Une utilisation encadrée à des fins éducatives pourrait même limiter les usages personnels indésirables.

L’inapplicabilité de la loi de 2018 et le défi opérationnel de la « pause numérique »

Dans le même temps, la loi de 2018 s’est révélée difficile à appliquer, les élèves trouvant des moyens de contourner l’interdiction, que ce soit dans la cour ou les toilettes. Bien que les modalités de la « pause numérique » (comme les casiers ou pochettes) compliqueront ces pratiques, elles ne les élimineront probablement pas complètement. Des entretiens préliminaires avec des collégiens suggèrent même que certains smartphones obsolètes pourraient être utilisés comme leurres pour tromper la surveillance.

L’annonce d’une généralisation de cette mesure dès 2025 laisse planer le doute sur la portée de l’expérimentation en cours, qui pourrait manquer de temps pour tirer des conclusions sur son efficacité. Une expérimentation réussie nécessiterait une concertation avec les acteurs locaux et les familles, ainsi qu’un suivi scientifique pour évaluer son impact.

En fin de compte, bien que les risques liés à une utilisation excessive des smartphones soient reconnus, la « pause numérique » apparaît avant tout comme une réponse politique et idéologique, partielle et difficilement applicable. Il est essentiel de repenser l’éducation numérique dans toutes ses dimensions, tant à l’école qu’en famille.

SOURCE : THE CONVERSATION

En savoir plus sur nos solutions pour les établissements scolaires
La plaquette pour animer la communauté de votre établissement
Partager ce contenu

Nos réalisations

Découvrez nos références, nos réalisations et nos travaux pour des établissements.

C'est tout frais de nos experts

"ChatGPT nous oblige à redéfinir notre métier" : un professeur d’histoire-géo spécialisé en intelligence artificielle
ÉDUCATION
5
September 2025

"ChatGPT nous oblige à redéfinir notre métier" : un professeur d’histoire-géo spécialisé en intelligence artificielle

ChatGPT s’invite au lycée : un professeur intègre l’IA dans ses cours pour former ses élèves et repenser la pédagogie de demain.
Nouveau bachelor agro : les modalités détaillées dans des projets de décrets
ÉDUCATION
5
September 2025

Nouveau bachelor agro : les modalités détaillées dans des projets de décrets

Le bachelor agro arrive en 2026 avec six mentions et de nouvelles règles pour l’enseignement agricole. Focus sur son organisation et ses enjeux.
Une entreprise sur six a intégré le mécénat de compétences
ÉDUCATION
5
September 2025

Une entreprise sur six a intégré le mécénat de compétences

16 % des entreprises misent sur le mécénat de compétences. Découvrez ses impacts sur l’engagement, la marque employeur et les carrières.