Usage des réseaux sociaux à l’école : intérêts, risques, obligations

L'usage des réseaux sociaux à l'école est une problématique récente et nécessaire à aborder dès l'enseignement du premier degré. La CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) rapporte que l'enfant s'inscrit à son premier réseau social à environ 8 ans et demi. Si l'élève utilise ces plateformes, l'école a-t-elle un rôle à jouer pour encadrer cet usage ? Par ailleurs, l'enseignement ne peut-il pas tirer parti des opportunités pédagogiques offertes par les médias sociaux ?
Isabelle Martin, référente et déléguée académique du CLEMI (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information) de Bordeaux, souligne dans le guide 2023 sur les cyberviolences et réseaux sociaux que « ne pas oublier, qu’il n’y a pas si longtemps, l’écran jugé dangereux était celui de la télévision ! ». Ainsi, les écrans ne peuvent être ni supprimés ni diabolisés. L’École, en revanche, joue un rôle primordial : il est essentiel de former les enfants au bon usage des réseaux sociaux. En 2023, la réglementation a été renforcée pour aider l’Éducation Nationale à responsabiliser les élèves et à limiter les dérives. Cet article fait le point sur les intérêts, les risques et les obligations légales liés à l'utilisation des réseaux sociaux à l'école.
Quel intérêt pédagogique pour les réseaux sociaux ?
Éduquer aux réseaux sociaux se caractérise comme une mission essentielle de l’École. La problématique de leur usage nécessite de s’interroger sur deux points clés.
1 – Quel usage les élèves en font-ils entre eux ?
Des plateformes comme Instagram, Snapchat, X (ex-Twitter), Facebook et TikTok interdisent l'accès aux mineurs de moins de 13 ans. Pourtant, leur utilisation chez les plus jeunes explose, souvent à l'insu des parents. Les réseaux sociaux sont devenus des espaces d’échanges privilégiés entre élèves, facilitant leurs interactions sociales quotidiennes. Cependant, tout comme dans d'autres contextes sociaux, les dérives peuvent se produire.
La loi n°2023-566 du 7 juillet 2023 vise à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne. Cette loi impose aux réseaux sociaux d'interdire l'inscription des mineurs de moins de 15 ans, sauf accord parental. Un dispositif technique efficace devra également être mis en place pour empêcher l'accès aux mineurs. Bien que ces dispositions ne soient pas encore en vigueur, elles soulignent l'importance d'un cadre protecteur.
Le harcèlement scolaire, lorsqu'il se déroule sur un réseau social, a des conséquences particulièrement graves pour les victimes. Dans ce contexte, plutôt que de prohiber les réseaux sociaux à l'école, il serait plus constructif d'envisager leur usage dans une optique pédagogique, en sensibilisant les élèves aux dérives pour mieux les protéger.
D’ailleurs, le Bulletin officiel de l’Éducation nationale communiquait déjà en 2015 l'importance de la maîtrise du socle commun, stipulant que « l’élève utilise les espaces collaboratifs et apprend à communiquer notamment par le biais des réseaux sociaux dans le respect de soi et des autres. Il comprend la différence entre sphères publique et privée et est attentif aux traces qu’il laisse ». Éduquer aux réseaux sociaux est donc une responsabilité de l’École.
2 – L’enseignant peut-il utiliser les réseaux sociaux ?
L'engouement de la jeune génération pour les réseaux sociaux incite à les considérer comme un support pédagogique. Bien que leur usage doive être réfléchi, prenant en compte l'âge des élèves et la pertinence du réseau, de nombreux enseignants constatent que ces outils peuvent être attractifs. Certains commencent à les intégrer dans leur projet pédagogique pour stimuler la motivation des élèves.
Les réseaux sociaux peuvent donc avoir plusieurs intérêts pédagogiques :
- Dans un contexte où leur utilisation est massive chez les jeunes, ils peuvent devenir des outils de motivation efficaces pour favoriser l’apprentissage.
- À l'instar d'autres ressources numériques, leur enseignement est crucial pour élargir le champ de compétences technologiques des élèves.
- Sur le plan pédagogique, il est essentiel de sensibiliser les élèves aux risques de cyberharcèlement, cyberviolence et diffamation. Les enseignants doivent également les informer sur le caractère public de leurs données sur ces plateformes.
Quels risques et quels cyberdélits anticiper avec l’utilisation des réseaux en milieu scolaire ?
L’école a pour mission de sensibiliser les élèves aux dérives courantes sur les réseaux sociaux. Les enjeux sont doubles : prévenir les infractions et protéger les victimes.
1 – Les cyberdélits
L'utilisation des réseaux sociaux entre élèves ouvre la voie à des délits de droit commun, qui se manifestent en ligne, tels que :
- Le cyberharcèlement scolaire, une problématique largement médiatisée.
- Les cyberviolences.
- La diffamation, qui peut être liée au cyberharcèlement.
- La dénonciation calomnieuse.
- Les injures et les menaces.
- L’usurpation d’identité pour commettre d'autres délits.
Pour prévenir ces cyberdélits, il est essentiel d'enseigner la bonne conduite dans un environnement social. Les élèves doivent comprendre ce qui est inacceptable et les sanctions qui en découlent. Par exemple, un élève peut ignorer que propager une rumeur en taguant un camarade sur Facebook constitue du cyberharcèlement. En les informant des conséquences légales, les enseignants peuvent avoir un impact significatif sur leur comportement.
Depuis le décret du 16 août 2023, applicable dès la rentrée 2023, le Code de l’éducation prévoit l’éviction des élèves cyberharceleurs dès le primaire, à la demande du directeur. Cela incite les élèves à surveiller leur comportement sur les réseaux sociaux, tout en responsabilisant les parents.
Pour protéger les victimes de cyberdélits, il est crucial d’enseigner les démarches à suivre et d'être à l’écoute. Les enseignants, tout comme les élèves, peuvent être victimes de cyberharcèlement. Depuis la rentrée 2023, des moyens renforcés, comme la ligne d’écoute nationale 3018, sont disponibles, et des référents harcèlement sont nommés dans les collèges.
2 – Le risque d’addiction
Bien que ce risque ne soit pas directement lié à la personne, il mérite d'être abordé. Il est nécessaire d'informer les élèves sur le danger d'addiction et de limiter leur temps d'utilisation des réseaux sociaux. Si le règlement intérieur n'interdit pas les smartphones, leur usage peut être recommandé avec parcimonie.
La loi du 07 juillet 2023 prévoit l'instauration d'un dispositif systématique de temps d’écran pour les mineurs, afin de mieux réguler leur utilisation.
3 – La volatilité des données personnelles
Les utilisateurs de réseaux sociaux, notamment les jeunes, ne réalisent pas toujours l'impact de leurs publications. Leur e-réputation peut en pâtir, et ils doivent être informés de la manière dont leurs données sont utilisées. L'école a un rôle éducatif à jouer dans ce domaine.
4 – La responsabilité du personnel d’éducation
L'usage des réseaux sociaux à l'école expose aussi les enseignants à des risques. Lorsqu'ils utilisent ces plateformes comme support pédagogique, ils doivent respecter des obligations légales, notamment concernant la protection des données et le droit à l'image. En cas de manquement, leur responsabilité peut être engagée.
Le personnel éducatif doit être formé aux risques associés aux réseaux sociaux. Des formations académiques, comme le programme pHARe, permettent aux enseignants de se former pour détecter et gérer les cyberdélits.
Le ministre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse a souligné l'importance du repérage des situations de harcèlement et de cyberharcèlement, considérant que cela est essentiel pour une résolution rapide. Cette vigilance est cruciale pour le bien-être des élèves.
Comment bien faire usage des réseaux sociaux à l’école ?
Le cadre réglementaire relatif à l'usage des réseaux sociaux à l'école est en constante évolution. En 2023, deux réglementations notables ont été mises en place pour protéger les mineurs.
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Deux réglementations notables en 2023
La loi du 07 juillet 2023 impose aux réseaux sociaux d'interdire l'inscription des mineurs de moins de 15 ans, sauf accord parental. Retarder l'accès permet aux éducateurs et parents de mieux sensibiliser les enfants aux dangers des réseaux sociaux.
Le DSA (Digital Services Act), en vigueur depuis août 2023, renforce également les mesures contre le cyberharcèlement. Les réseaux sociaux doivent mettre en place des dispositifs de signalement accessibles aux utilisateurs.
Deux obligations légales à respecter
- Droit à l’image : Les enseignants doivent obtenir l’autorisation écrite des parents avant de diffuser des photos d’élèves sur les réseaux sociaux.
- Protection des données : La loi informatique et libertés ainsi que le RGPD imposent des règles strictes concernant le traitement des données personnelles des mineurs. L'enseignant ne peut utiliser les réseaux sociaux avec des élèves de moins de 15 ans, sauf si le compte est ouvert au nom de la classe sans publication de données personnelles.
Six pistes de réflexion utiles
Les écoles doivent adopter des précautions importantes concernant l'utilisation des réseaux sociaux :
- Sensibilisation : Connaître et documenter la mission de sensibilisation aux réseaux sociaux, en utilisant des ressources éducatives existantes.
- Intégration des cyber risques : Incorporer les cyber risques dans le programme pHARe, en enseignant les conséquences des cyber délits et les sanctions.
- Formation des enseignants : Former rapidement un maximum d'enseignants aux risques des réseaux sociaux.
- Implication des parents : Sensibiliser les parents et les inclure dans l'éducation des enfants sur les réseaux sociaux.
- Prise en compte de l’âge : Évaluer la pertinence de l'usage des réseaux sociaux selon l'âge des élèves dans le cadre d'un projet pédagogique.
- Élaboration d’une charte : Mettre en place une charte claire sur l’usage des réseaux sociaux, précisant les règles d’utilisation, les types de contenus autorisés, et les obligations de confidentialité.
En conclusion, bien que les réseaux sociaux présentent des risques, leur utilisation réfléchie peut offrir de réelles opportunités pédagogiques. L'école doit donc s'engager activement à éduquer les élèves sur ces outils, afin de les protéger et de leur permettre de les utiliser de manière responsable.

SOURCE : AUTONOME DE SOLIDARITÉ

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